Tisser le bonheur
On peut être heureux
dans la solitude, mais il est toujours agréable de partager son
bonheur avec les autres. Je ne suis pas sûr qu'un milliardaire seul
et rejeté de tous, sans amis et sans amour, soit plus heureux qu'un
homme ordinaire entouré de ceux qu'il aime. Mais si le bonheur se
trouve dans la relation à l'autre, on peut remarquer aussi que le
rapport à autrui n'est pas nécessairement cause de bonheur :
l'autre peut nous faire souffrir ou nous laisser complètement
indifférent, c'est une évidence.Quel genre de lien mène alors au
bonheur ? Comment les tisser dans notre vie ?La réponse ne
se trouve pas dans un livre, mais dans notre existence concrète.
Examinons donc les différents types de relation nous liant aux
autres dans notre vie quotidienne. Quel est, par exemple, la
différence entre une caissière chez Carrefour et un ami ? La
caissière me dit bonjour, elle est polie, avenante, attentionnée,
je lui rend sa politesse, je lui souhaite une bonne journée ou une
bonne année....et elle passe au client suivant. Notre relation est
stéréotypée, inauthentique, nous échangeons des mots de manière
mécanique. Cette inauthenticité ne se borne pas aux caissières de
Carrefour. En allant vers ma voiture je peux aussi rencontrer une
connaissance, nous pouvons échanger des discours creux sur la pluie
et le beau temps avant de nous séparer cordialement. De telles
relations sont une nécessité sociale, elles peuvent aussi être
agréables, la cordialité préserve le lien social, mais elles
restent tout de même inauthentiques. C'est la raison pour laquelle
on peut se sentir seul même au milieu des autres, il ne suffit pas
de bavarder superficiellement avec des gens ou d'être poli ou jovial
avec tout le monde pour être heureux. Ma relation à l'autre varie
en fonction de son degré de profondeur. Ce qui importe n'est pas la
quantité mais la qualité du lien. Et la qualité dépend de sa
profondeur. Jusqu'où acceptons nous de nous dévoiler à l'autre ?
Allons-nous révéler à quelqu'un nos sensations, nos sentiments,
nos pensées intimes ? La profondeur d'un lien dépend de notre
ouverture à l'autre, du partage de notre être authentique. Non pas
l'être fantasmé, idéal, illusoire en fin de compte, mais l'être
réel avec ses faiblesses, ses imperfections et ses forces. Jouer un
rôle, être inauthentique, c'est rester à un degré superficiel de
relation et ce degré est insatisfaisant.L'ami véritable partage nos
joies, nos peines, nos espoirs, nos peurs, nos rêves peut-être. Le
nombre et la qualité de ces liens authentiques mènent à la joie du
partage. Bien entendu, on n'est pas heureux uniquement avec ses amis
proches, on peut aussi avoir des moments de joie avec des inconnus.
Mais là encore, le propre de ces moments, c'est leur intensité et
leur authenticité. Rire de bon cœur avec quelqu'un qu'on connait à
peine, confier ses pensées profondes à un inconnu, partager au
cours d'un instant bref les mêmes sentiments, voilà des moments
heureux, authentiques. Comment détruire notre carapace, comment
dévoiler notre être intime ?ce ne sont pas des questions
futiles, elles mènent peut-être au bonheur véritable...
TAIAMANI HUCK
Le bonheur est-il donc avant tout et surtout un partage? Peut-être?
RépondreSupprimerMais sommes nous nécessairement seuls si nous ne sommes pas accompagnés par une tierce personne?
En d'autres termes, si je conçois aisément le fait que le bonheur existe avant tout dans le partage, n'est-il pas possible en étant seul de le partager avec soi même? Prendre le temps d'être bien avec soi, c'est également prendre le temps de partager un moment de bonheur, et peut-être justement de découvrir "l'autre" soi, et donc de se découvrir. Par conséquent, peut-on être heureux dans la "solitude", employée dans le sens ou vous le faites, c'est à dire sans partage et sans relation avec "l'autre" ?
La notion d'authenticité est effectivement une valeur indispensable au bonheur, aussi simple soit-il. Dans le cas du bonheur vécu "seul" l'authenticité s'impose dans le partage et dans la relation à soi, sans quoi il n'est pas question de bonheur, mais uniquement de solitude. Comment est-il possible de se mentir en étant seul pour éprouver du bonheur "partagé par définition"?
Il n'y a pas de faux semblant au bonheur. C'est une émotion ressentie, ou une absence d'émotion. Comment faire semblant d'être heureux? L'autre peut le croire, si nous faisons illusion, mais celui qui "joue" à être heureux ne peut se jouer de lui même sans éprouver réellement l'émotion.
Comment dévoiler notre être intime?
Lever le voile, c'est par définition découvrir quelque chose que l'on dissimule.
L'être intime est caché, à l'abri des regards indiscret, et de toutes formes d'indiscrétion d'ailleurs.à soi et aux autres. Pour quelle raison avons-nous besoin de recouvrir certaines parties de nous me^me si ce n'est par peur d'être jugé, et peut-être mal jugé.
L'authenticité de la relation avec l'autre commence peut-être par l'authenticité de la relation avec soi. Ce qui n'est pas toujours le cas.
Alors, si le bonheur "se joue" dans le partage et l'authenticité de la relation avec l'autre, peut-être faut-il commencer à le cultiver dans sa relation à soi, et donc seul.
Bonjour Badu. Je viens de découvrir votre commentaire et je m'excuse donc pour le retard. Comme la dernière fois, je me sens submergé par la quantité et l'intérêt de vos idées. La question que je me pose est la suivante: comment vous répondre? Dois-je rédiger un paragraphe pour chaque idée soulevée? Dois-je répondre uniquement à quelques questions sans répondre à toutes vos questions? Je crains soit de me perdre soit d'aller trop vite. Je vous propose donc de reprendre pas à pas toutes vos questions pour qu'on chemine ensemble véritablement. La question du bonheur nous rassemble dans le sens où on désire tous être le plus heureux possible. La véritable question c'est comment être le plus heureux possible? L'article traitait surtout la question du bonheur par rapport à autrui et vous posez donc à juste titre la question du bonheur solitaire. Est-il possible d'être heureux seul? Je crois que oui dans le sens où nous avons tous l'expérience d'avoir éprouvé des moments de joie dans la solitude. Maintenant, si vous le voulez bien, il serait intéressant de distinguer les genres de bonheur solitaire qui pourrait s'offrir à nous. Appuyons-nous sur des exemples concrets pour ne pas nous perdre dans des abstractions. Je vous rends la parole: avez-vous des exemples de bonheur solitaire?
SupprimerCorrections: "Si le bonheur "se joue" dans le partage peut-être faut-il apprendre aussi à le cultiver dans la relation à soi, et donc seul". Je voulais juste insister sur la fait que la relation à soi me semble "un exercice" à ne pas négliger pour tenter de vivre le bonheur partagé avec l'autre.
RépondreSupprimerTu as raison. Il faut se retrouver soi-même pour se donner à l'autre.
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